Qui était Fernand Léger ? Après avoir abandonné ses études d’architecture, Fernand Léger se tourne vers la peinture. D’abord influencé par le style postimpressionniste, il finit par mener des recherches sur les formes, grandement inspiré du cubisme. À travers 10 œuvres emblématiques, retraçons son parcours (1881 – 1955).

Dès 1914, Fernand Léger est engagé comme brancardier et produit de nombreux dessins relatant de la vie quotidienne dans les tranchées.

Dans Verdun, son cubisme renvoie au chaos de la guerre et à la déshumanisation qui en émane. Léger utilise plusieurs perspectives et points de fuite, traduisant une confusion propre à la guerre. Le thème de la destruction est omniprésent dans le dessin, l’artiste représentant des objets simplifiés et privés de contours. Il estime en effet qu’« il n’y a pas plus cubiste qu'une guerre comme celle-là qui te divise plus ou moins proprement un bonhomme en plusieurs morceaux et qui l'envoie aux quatre points cardinaux ... ».

Ce traumatisme représente toutefois une grande source d’inspiration pour le peintre, qui déclare que « Verdun autorise toutes les fantaisies picturales. »

Dans Le Mécanicien, un homme est en train de fumer une cigarette, probablement lors d’une pause dans sa journée de travail. Sa peau lisse et les différentes formes composant son corps font penser à une machine. Le mécanicien est ainsi un exemple type de la « figure-objet » : le travailleur devient un élément comme un autre au sein du tableau.

En jouant sur des contrastes, Léger souligne son intérêt pour l’objet industriel, le progrès technique ainsi que le savoir-faire de l’homme. Tous ces mélanges contribuent à donner un grand dynamisme à la composition.

Cette utilisation des formes et des couleurs vives est certes typique des recherches non-figuratives du peintre, mais Léger tient également à revenir à un certain classicisme. En effet, le personnage, représenté la tête de profil et le corps de face, fait écho aux figures égyptiennes ou assyriennes tandis que son expression calme rappelle les statues grecques antiques.

Finalement, il est possible que le Mécanicien soit un autoportrait de Léger, ce qui expliquerait la ressemblance entre les deux hommes. Se comparer au mécanicien serait donc un moyen pour Léger de mettre en valeur son travail en tant qu’artiste et créateur.

En 1918, Léger peint Le Cirque Médrano, institution alors établie à Montmartre. L’artiste utilise une abstraction et des contrastes importants, qui permettent à la piste de se dessiner petit à petit. Sont en effet visibles un clown, un ticket de spectacle, ou encore des gradins. L’objectif du peintre est ainsi de représenter la liberté et le mouvement, notions associées au cirque.

Cette toile marque aussi la fin de la Première Guerre mondiale, comme le soulignent sa date de création, mais également ses couleurs, qui semblent former une explosion.

Il faut d’ailleurs noter que le cirque est un thème que Léger travaillera toute sa vie. À seulement quelques années de sa mort, il publie un album intitulé Cirque. Son goût pour les thèmes du loisir et du divertissement ne tarit donc pas : il continue d’associer le cirque à la vélocité de l’existence moderne.

Le Ballet mécanique est un court-métrage expérimental de seize minutes, réalisé par Léger et Dudley Murphy, un cinéaste américain. Ce film résulte d’un projet du musicien George Antheil, qui recherche un accompagnement cinématographique à l’une de ses compositions. Toutefois, la partition et le film ne sont regroupés que bien plus tard, dans les années 1990.

La particularité du film est qu’il est dépourvu de scénario et est composé de gros plans et de contrastes. La dynamique de la vie moderne est célébrée, notamment au travers d’images répétées de manière mécanique. Des angles inédits sont mis en avant, un gros plan se focalisant par exemple sur la bouche d’une femme.

Le film traduit surtout l’intérêt que Léger porte à Charlie Chaplin et plus précisément au personnage de Charlot, un vagabond, que Léger transforme en marionnette et anime. L’artiste découvre le personnage en 1916, ce qui contribue à façonner son goût pour le cinéma et le pousse à créer des affiches de film.

Léger s’inspire également de thèses, comme celles de Ricciotto Canudo, un écrivain franco-italien, qui fait un parallèle entre les films et la peinture en mouvement, et qui voit le cinéma comme un moyen de faire la synthèse de tous les arts.

Dans un contexte de remise en cause de l’esthétique et de l’art, Léger peint La Joconde aux clés. Des clés, une boîte de sardines, un compas et un tire-ligne sont placés au centre du tableau, à côté d’une reproduction de la Joconde

Ce tableau s’inscrit dans une réflexion menée par Léger dès les années 20, qui remet en perspective la place de l’objet. Il déclare notamment en 1924 :

« Il n’y a pas le beau, catalogué, hiérarchisé. Le beau est partout, dans l’ordre d’une batterie de casseroles sur le mur blanc d’une cuisine, aussi bien que dans un musée ».

Par ces mots, il met en lumière la puissance esthétique de la vie moderne et encourage à regarder autour de soi. C’est cette idée qui lui inspire la série Objets dans l’espace, dont La Joconde aux clés fait partie et dans laquelle il renouvelle le genre de la nature morte.

Fernand Léger joue ici sur la position des objets et sur les échelles, donnant moins d’importance au chef-d’œuvre de la Renaissance. La Joconde perd alors toute sa valeur et par extension, en confère davantage aux objets.

La toile est remplie de contrastes : elle mêle formes arrondies et lignes droites et intègre une palette de couleurs vives. Les objets sont en totale lévitation, Léger ayant volontairement fait « sauter la table » et supprimé toute perspective, ce qui permet de les mettre en valeur.

Le Transport des forces est une œuvre monumentale commandée par l’Etat à Fernand Léger dans le cadre de l’Exposition internationale des Arts et Techniques dans la Vie moderne, qui se tient à Paris en 1937. Cet évènement est très important notamment car il vise à démontrer le lien entre art et technique, alors souvent opposés.

Le tableau fait l'éloge de la vie moderne avec un paysage synthétique, composé d’eau et de constructions en métal. Un torrent d’eau vient alimenter des usines de production d’énergie qui semblent sortir de terre. Le courant naturel de l'eau et l'énergie hydraulique sont mis en relation, créant ainsi un transport des forces.

La superposition des plans géométriques souligne également la volonté de Léger de s’affranchir de la figuration. C’est ce que le poète Guillaume Apollinaire qualifie d’ailleurs de « cubisme orphique ».

Technique et nature sont ainsi rapprochées grâce au contraste entre les formes souples des éléments naturels et la rigidité des poutres industrielles. Un arc-en-ciel est même ajouté à droite du tableau et symbolise l’espoir et le renouveau. Il représente notamment les nombreux changements survenus depuis l’arrivée du Front populaire au pouvoir, dont les idéaux inspirent Léger.

Les quatre cyclistes est le premier tableau dans lequel Léger fait usage de sa technique de la « couleur en dehors ». La couleur a pour particularité d’être disposée sur la toile sans suivre les contours des figures : elle est distribuée librement dans l’espace et anime les femmes représentées. Cette technique est fortement influencée par les lumières de New-York, ville dans laquelle le peintre s’est exilé pendant la Seconde Guerre mondiale.

La série Les Cyclistes dont le tableau fait partie est également inspirée des vêtements colorés vus par Léger dans les universités dans lesquelles il enseigne aux États-Unis.

Le sujet du vélo l’intéresse aussi tout particulièrement, car il s’agit à la fois d’un objet moderne, en mouvement, mais également d’un loisir populaire important. Ce thème du loisir se manifeste en effet petit à petit dans son œuvre et est à mettre en lien avec la création des congés payés par le Front Populaire en 1936.

Les Constructeurs (définitif), tableau peint en 1950, appartient à la série Les Constructeurs et en est l’œuvre la plus aboutie. Représentant des ouvriers à la tâche, elle traduit la pensée de Léger, qui dès 1945 adhère au Parti communiste français et prône l’accessibilité à l’art.

Des couleurs vives sont choisies pour sublimer l’action des travailleurs et le peintre va même jusqu’à les représenter en train de défier les lois de la gravité. Ce tableau a pour but de rendre hommage aux personnes qui ont reconstruit le pays après la guerre.

Pour favoriser la visibilité du tableau auprès des ouvriers, Léger fait le choix de l’exposer temporairement dans la cantine des usines Renault à Boulogne-Billancourt. Toutefois, l’œuvre, considérée comme trop peu réaliste, ne bénéficie pas de l’accueil espéré : elle n’est pas comprise par les travailleurs.

Après la Seconde Guerre mondiale, Léger commence à réaliser de nombreux décors architecturaux dans l’espace public, toujours dans le but de proposer un art accessible au plus grand nombre. Après avoir réalisé une mosaïque pour la façade de l’église Notre-Dame de Toute Grâce du plateau d’Assy, l’artiste se voit confier par le Père Couturier,  une commande de dix-sept maquettes de vitrail pour la nouvelle église du Sacré-Cœur à Audincourt (Doubs).

Ces maquettes, auxquelles appartient Les calices et l’éponge, marquent une continuité dans le travail du peintre. En effet, les couleurs vives de sa palette sont entièrement adaptées au support du vitrail. Par ailleurs, Léger ne se détourne pas de son sujet de prédilection, les objets, car le thème des vitraux porte sur les instruments de la Passion. Léger va même jusqu’à déclarer : « Magnifier les objets sacrés, clous, ciboires ou couronnes d’épines, traiter le drame du Christ, cela n’a pas été pour moi une évasion… j’ai simplement eu là l’occasion inespérée d’orner de vastes surfaces selon la stricte conception de mes idées plastiques ».

Quelques années avant sa mort, Fernand Léger réalise des compositions en céramique, comme Les Femmes au perroquet. Il travaille avec l’un de ses anciens élèves, Roland Brice, qui est artiste et céramiste.

Le bas-relief Les Femmes au perroquet est réalisé avec de la terre cuite émaillée avec un engobe blanc, ce dernier servant de revêtement à la pièce. Vingt-cinq moules sont nécessaires pour créer l’œuvre. Léger réutilise dans la céramique ses techniques habituelles, comme les cernes noirs, mais également des sujets qui lui sont chers, comme le cirque ou la foire, représentés par le perroquet.

Les différents personnages et éléments du tableau ressortent beaucoup, d’abord grâce aux reliefs créés par la céramique mais également grâce au fond peint en rouge.