La Bande dessinée, neuvième art

Dans le contexte actuel, l'année nationale de la BD prolongée jusqu'en juin 2021. De nombreuses actions sont en ligne ou reportées ultérieurement pour célébrer le 9e art. Pourquoi ne pas profiter de ces événements pour aborder la Bande dessinée dans le cadre de l'enseignement de l'histoire des arts !

La première étape est sans doute de comprendre les origines de la BD.
Pour cela, la Bibliothèque nationale de France propose "La BD avant la BD", une exploration des antécédents de la bande dessinée dans les enluminures du Moyen Age. Cette étude permet d'aborder la structure du récit en séquences d'images et de s'interroger sur les procédés de la bande dessinée. Elle propose également une bibliographie et de nombreux documents iconographiques commentés.

Pour poursuivre, Gilles Ciment, directeur général de la Cité internationale de la BD et de l'image d'Angoulême, a retracé, pour "Histoire des arts", l'histoire de la BD de Rodolphe Töpffer à aujourd'hui. Et pour aller plus loin, vous pouvez réécouter la conférence inaugurale de l'Année de la bande dessinée au Collège de France : « Génie de la bande dessinée. De Töpffer à Emil Ferris ».

Enfin, du 26 janvier au 6 mai 2012, pour la première fois de son histoire, le musée de la bande dessinée confie les clés de ses principales salles d’exposition à un artiste invité. Président du jury du 39ème Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, Art Spiegelman a eu carte blanche pour reconfigurer le parcours du musée autour des artistes qu’il admire, qui l’ont nourri ou influencé au fil des années, créant ainsi son « musée privé de l’histoire et de l’accomplissement de la bande dessinée », en toute subjectivité.
À cette occasion, la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image édite le livre numérique de l’exposition, remplaçant le catalogue de l'exposition et proposant un regard sur l’histoire de la bande dessinée.

Pour essayer de faire la part de la vérité historique et archéologique et la part de l'invention dans la série Astérix, la Cité de la BD propose une conférence publique : Astérix, le vrai du faux !
"Les Gaulois craignaient-ils que le ciel leur tombe sur la tête ? Adoraient-ils les menhirs ? Chassaient-ils le sanglier ? Avaient-ils des cornes sur le casque ? Les chefs gaulois étaient-ils petits et gros ? Les villages étaient-ils des camps retranchés ? "

L’exposition qui a lieu jusqu'au 31 décembre 2020, sur le château de Versailles dans la bande dessinée , peut être également l’occasion de s’interroger sur la représentation de l’histoire de France à travers le neuvième art. Le château occupe en effet une place unique dans l'histoire de France : il peut être le sujet de bandes dessinées purement historiques mais il offre également de nombreux décors (architecture, jardins, décors intérieurs, etc.) qui ont largement inspiré des auteurs de bandes dessinées de fiction. Cette exposition sera aussi l'occasion de partir à la rencontre de grandes figures de l’Histoire du château : souverains, reines, favorites, courtisans, philosophes du siècle des Lumières, et autres héros historiques ou légendaires.

Deux autres célèbres bandes dessinées permettent d'aborder des évènements plus récents :

  • Maus d'Art Spiegelman : Neuvième art 2.0, revue en ligne de référence dédiée à la bande dessinée, propose un article de Clément Lemoine. C'est le récit de la Shoah, d'un père à son fils, transposé dans un univers animalier, où les nazis sont représentés en chat et les juifs en souris. Avec ces univers, il invente une nouvelle façon de parler de la Shoah.
  • Persépolis de Marjane Satrapi : cette œuvre est un témoignage sur l'histoire de l'Iran et plus particulièrement la révolution iranienne des années 1979-1980, un moyen de comprendre la situation politico-historique iranienne... C'est également l'occasion de mener un travail de réflexion sur la relation entre cinéma et bande dessinée ou bande dessinée et autobiographie. Maus de Spiegelman est également une bande dessinée à caractère autobiographique.Récit et bande dessinée sont indissociables.

Enfin, plus récemment, un projet de bande dessinée numérique, Le Portrait d'Esther, a vu le jour grâce aux Musées d'Angers, qui ont entamé une démarche de mise en valeur de sept œuvres conservées au musée des Beaux-arts, spoliées à des familles juives pendant la Seconde Guerre mondiale. À la croisée de la BD et du roman historique, Le Portrait d’Esther s’adresse aux 15-18 ans pour leur faire découvrir ce pan méconnu de notre histoire. L’objectif de ce roman graphique numérique est de faire prendre conscience aux jeunes générations quelle fut l’ampleur de l’entreprise nazie d’extermination des êtres et de leurs mémoires.

Le Carnet noir associé à cette BD permet d'aller plus loin et de découvrir de courts éclaircissements historiques, grâce à des contenus numériques : images, sons, vidéos rassemblés sous le contrôle d’une historienne spécialisée.

La bande dessinée est-elle une forme de littérature ?

Aux origines de la BD, Rodolphe Töpffer considère la bande dessinée comme une deuxième forme de littérature et parle de "Littérature en estampes". Dans les premières lignes de son Essai de physiognomonie, il écrit :

"  L'on peut écrire des histoire avec des chapitres, des lignes, des mots c'est de la littérature proprement dite.
L'on peut écrire des histoires avec des successions de scènes représentées graphiquement :
c'est de la littérature en estampes."

Plus récemment, Hugo Pratt déclarait :

"Pour moi, je l'ai dit beaucoup de fois, c'est une espèce de... c'est une littérature, dessiner.
Le style de mon écriture, c'est le dessin."

Depuis quelques années, on observe un engouement pour l'adaptation littéraire en bande dessinée ou le roman graphique chez les auteurs comme les éditeurs. Dans un cadre scolaire, ces adaptations peuvent permettre à la fois de rendre accessible aux plus jeunes des classiques parfois difficiles grâce à une présentation attrayante, ou encore de faire découvrir ou exploiter la bande dessinée en classe au même titre que le sont les autres arts visuels (peinture, cinéma…) ?

De manière assez poussée, l'article d'Henri Garic sur Neuvième art 2.0 interroge les relations de la bande dessinée à la littérature, à travers Gemma Bovary de Posy Simmons, transposition de Madame Bovary de Flaubert, à l'époque contemporaine.

Pour continuer avec la littérature, le musée de la bande dessinée se propose de faire le point sur le phénomène de la parodie tel qu'il s'exprime dans la bande dessinée, avec les exemples de cinq personnages de roman bien connus de tous : Tarzan, Robin des bois, Sherlock Holmes, Conan le barbare et Harry Potter.
(toujours sur ce thème de la parodie dans la BD, un dossier d'accompagnement très complet)

La Bande dessinée s'inspire-t-elle de la peinture ? En effet, pendant longtemps la peinture a souhaité raconter une histoire et on trouve de nombreux exemples de narration continue et linéaire dans l'histoire de la peinture et plus largement des arts graphiques.

Livre des morts pour la chanteuse Amon (environ 1050 av. J.C.) - Metropolitan Museum of Art

Livre des morts pour la chanteuse Amon (environ 1050 av. J.C.) - Metropolitan Museum of Art

Les livres des morts de l’Égypte ancienne par exemple, regroupent des formules écrites sur papyrus, accompagnées d'une succession d'illustrations, ils permettaient d'aider le défunt à réussir son passage vers l’au-delà.

Extrait de la Tapisserie de Bayeux - Musée de la Tapisserie de Bayeux

Extrait de la Tapisserie de Bayeux

Datée du XIe siècle, la tapisserie de Bayeux raconte la conquête du trône d’Angleterre par le duc de Normandie, Guillaume le Conquérant (1027-1087). Des scènes illustrées se succèdent et sont complétées par des inscriptions en latin narrent la victoire de Guillaume à Hastings en 1066 et les événements qui la précèdent.

La Bataille de San Romano par Paolo Ucello

La Bataille de San Romano - La défaite du camp siennois illustrée par la mise hors de combat de Bernardino della Carda, (~1456) - Par Paolo Uccello — Uffizi, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=76613073

La Bataille de San Romano par Paolo Ucello : Les trois panneaux (les deux autres sont conservés à la National Gallery de Londres et au Louvre) représentent trois scènes d'une même bataille de l'histoire de Florence, remportée par les Florentins sur les Siennois le 1er juin 1432 à San Romano près de Lucques.

Une méprise à l'Odéon [...]. par Honoré Daumier - Musée Carnavalet

Une méprise à l'Odéon [...]. par Honoré Daumier - Musée Carnavalet

La bande dessinée mais également les caricatures ou les dessins de presse peuvent être considérés les héritiers d'Honoré Daumier.

Plus récemment, une exposition inédite au Musée Picasso de Paris étudiait des liens entre les œuvres de l’artiste et la bande dessinée qui semble avoir marqué très tôt et durablement Picasso.

Aujourd'hui encore, il existe des liens forts entre BD et peinture. Deux dossiers pédagogiques du Centre Pompidou nous le démontrent : Pop Art et Figuration narrative.
À l’occasion de l’exposition Une autre histoire : bande  dessinée, l’œuvre peint en 2012, la Cité a proposé un dossier en ligne sur le dialogue de la bande dessinée avec la peinture, et de découvrir quelques-uns parmi les auteurs qui passent de la planche à la toile et vice versa.