Le programme d'enseignement de spécialité d'histoire des arts institue trois questions limitatives, qui s'inscrivent dans les trois thématiques : un artiste en son temps ; arts, ville, politique et société ; objets et enjeux de l'histoire des arts. Elles sont définies et renouvelées par publication au Bulletin officiel de l'éducation nationale.

Pour les années scolaires 2021-2022 et 2022-2023, la question retenue pour la thématique "Arts, ville, politique et société" est  "Le voyage des artistes en Italie, XVIIe-XIXe siècles"

Le retour du troupeau par temps d’orage, 1651, Claude Lorrain (1600-1682), Art Institute of Chicago, COO

Le retour du troupeau par temps d’orage, 1651, Claude Lorrain (1600-1682), Art Institute of Chicago, COO

Ce Grand Tour ne correspond pas littéralement à un tour de l’Europe mais à un voyage dans quelques foyers artistiques et culturels européens (la France, les Pays-Bas, l’Allemagne…). Il permet de se familiariser à d’autres manières de vivre en Europe mais aussi de découvrir les grands artistes et œuvres du patrimoine culturel occidental. Le pays de prédilection du Grand Tour est l’Italie.
Ainsi, les voyages en Italie permettent de « mettre de l’ordre » dans l’héritage de la Renaissance italienne. Au XVIIe siècle, le séjour à Rome devient un passage obligatoire pour la formation des artistes français. Afin de favoriser la présence des artistes français à Rome, Louis XIV crée en 1666 l’Académie de France à Rome.

A partir de cette époque, deux tendances vont s’opposer dans la représentation picturale :
•    La représentation d’après nature ou le rendu d’après nature.
•    Une représentation idéalisée des modèles, représentation issue de l’héritage gréco-romain.

Ce grand tour a contribué à l’évolution des goûts artistiques et des styles au XVIIe et au XVIIIe  siècles.

Portrait de John Talbot, 1773

Portrait de John Talbot, 1773, Batoni, Getty Museum of Art C00
Les aristocrates commandaient des portraits les représentant durant leur voyage.

Le Grand Tour culmine au XVIIIe siècle. Il comporte une fonction sociale car il permet de montrer un certain niveau de richesse et d’éducation, et pour certains permet une ascension sociale.

La pensée des Lumières prône les échanges intellectuels et la valeur émancipatrice du voyage. Il est perçu comme une méthode empirique pour découvrir de la vie d’autrui et de ce qui ne s’apprend pas dans les bibliothèques. La transmission du savoir se réalise par l’expérience personnelle et non par l’autorité. Source de tolérance, le voyage permet de trouver sa place dans l’espace commun. Les intellectuels créent un genre littéraire autour du voyage en Italie : échange épistolaire, journal intime, récit de voyages.

L’écrivain italien Casanova peut être considéré comme un écrivain en quête de liberté voyageant pour s’émanciper et connaitre le monde.

Au XVIIIe siècle, les artistes et aristocrates voyagent de plus en plus loin. Certains iront jusqu’en Grèce et même dans l’empire ottoman ou en Perse. L’Italie, et plus particulièrement Rome et Venise, restent des destinations privilégiées.

Exemple de couverture d’un récit de voyage publié en 1796, M Dubourg, Metropolitan Museum of Art, COO

Exemple de couverture d’un récit de voyage publié en 1796, M Dubourg, Metropolitan Museum of Art, COO

Les voyages en Italie sont aussi un moyen de redécouvrir l’Antiquité pour les artistes via les études de ruines. Au XVIIIe des fouilles archéologiques d’Herculanum (1738) et de Pompéi (1748) sont organisées, elles ont pour conséquence de jeter un nouveau regard sur les sociétés antiques et elles remettent au goût du jour le classicisme dans les arts. Les artistes et les voyageurs suivent avec attention ces fouilles car ils souhaitent avoir une image authentique de l’Antiquité.

L’architecte et décorateur Charles Percier remettra particulièrement à l’honneur l’Antiquité dans le mobilier et les projets architecturaux de la fin du XVIIIe siècle et sous le Premier Empire (1804-1815).

A partir de 1789, durant la période de la Révolution française et du Premier Empire, la pratique du Grand Tour en France devient difficile à réaliser car les voyages dans le continent proche sont limités avec les guerres révolutionnaires puis napoléoniennes.

Monte Pincio, Rome, 1840/50, Jean-Baptiste-Camille Corot (1796-1875) Metropilitan Museum of Art COO Une vue pittoresque et idéalisée de Rome peinte par Corot

Monte Pincio, Rome, 1840/50, Jean-Baptiste-Camille Corot (1796-1875) Metropilitan Museum of Art COO
Une vue pittoresque et idéalisée de Rome peinte par Corot

 

Le Grand Tour réapparait sous la période de la Restauration (1815-1848). Bien que moins fréquent, il est particulièrement prisé par les amateurs d’arts, collectionneurs et écrivains (Chateaubriand, Lamartine ou encore Madame de Staël). Les lettres et récits de voyages continuent d’être publiés. A la suite de ses séjours en Italie, l’écrivain Stendhal publie en 1817 un traité d’Histoire de l’art appelé Histoire de la peinture en Italie, et un récit de ses voyages dénommé Rome, Naples et Florence.

Au XIXe, les voyages en Italie restent néanmoins une source d’inspiration pour les artistes et une étape essentielle dans leur formation. Rome demeure l’épicentre : à la fois lieux de pèlerinage, du savoir et de paysage surprenant, ville qui attire tous les voyageurs.

Au XIXe, le voyage n’a plus uniquement une vocation initiatique, il sert à trouver un refuge, pour le plaisir des arts, des paysages, de la gastronomie… Le signe que le voyage entre progressivement dans une autre ère, celle du tourisme.  Il faut voyager pour fuir une civilisation urbaine, l’idée de conquérir des espaces exotiques loin des grandes villes. L’essor des transports et l’avènement d’une bourgeoisie de plus en plus nombreuse favorisent aussi la naissance du tourisme.