Qui était Auguste Rodin ? Sans aucun doute le sculpteur français le plus célèbre, Auguste Rodin est fortement influencé par l’œuvre de Michel-Ange qu'il découvre en Italie à 35 ans. Avec son travail original sur la figure humaine, ses assemblages,  agrandissements, découpages, son goût pour l'inachevé (non finito), il donne naissance à la sculpture moderne. A travers 10 œuvres emblématiques, retraçons les différentes périodes de la vie artistique d'Auguste Rodin (1840-1917).

L'Âge d'airain est la première œuvre importante d'Auguste Rodin. C'est aussi celle qui lui apportera la notoriété et des commandes officielles.

L'Âge d'airain (1877) - Auguste Rodin - Domaine Public - MET

L'Âge d'airain (1877) - Auguste Rodin - Domaine Public - MET

Cette sculpture représente un jeune soldat nu, gradeur nature et très réaliste. Elle marque l'admiration que Rodin porte à Michel-Ange, dont il a découvert les œuvres lors de son grand tour en Italie quelques années plus tôt. La posture du soldat rappelle le célèbre "contrapposto" (Dans une statue, position debout au repos dans laquelle le poids du corps se reporte sur une seule jambe, cependant que l'épaule au-dessus de cette jambe remonte - Larousse) cher à Michel-Ange.

L’œuvre est tellement réaliste qu'on accuse Rodin d'avoir effectué un moule directement sur son modèle, voire même sur son cadavre. Rodin devra prouver sa bonne foi. C'est pourtant par ce scandale que Rodin amorce sa notoriété. C'est aussi à la suite de cet événement que Rodin renoncera à sculpter en grandeur nature et déploiera sa technique d’agrandissement.

 

 

 

En 1879, la Préfecture de la Seine lance un concours pour commémorer le siège de Paris en 1870-1871. Le groupe de Rodin est composé d'un guerrier et d'une figure allégorique très expressive.

Jugé trop révolutionnaire, ce groupe est écarté dès la première étape du concours, et c'est le groupe sculpté "La Défense de Paris" de Louis-Ernest Barrias, plus réaliste, qui remporte le concours (Le quartier d’affaires lui doit son nom).

Le monument La Défense ou l’Appel aux armes de Rodin se trouve aujourd'hui à Verdun : un agrandissement (technique chère à Rodin) au quadruple commémore la Défense de Verdun depuis 1920. Le 17 novembre 2017, le Département des Hauts-de-Seine donne une seconde vie à La Défense d’Auguste Rodin avec un agrandissement en bronze d'après le modèle en plâtre du musée Rodin.

La Porte de l'Enfer est le grand chef-d’œuvre d'Auguste Rodin.

En 1880, Rodin reçoit la commande d’une « porte décorative » ornée de « bas-reliefs représentant la Divine Comédie du Dante » pour un musée des arts décoratifs prévu à l'emplacement du musée d'Orsay. L'Enfer de Dante, première partie de la Divine Comédie, est sa première source d'inspiration, à laquelle s'ajoute les Fleurs du mal de Baudelaire. Le projet de musée prend du retard et est abandonné en 1889.

Dans sa forme, la porte de Rodin trouve son modèle dans La Porte du Paradis de Lorenzo Ghiberti conçue au XVe siècle pour le baptistère de Florence.

Plus de 250 figures sont regroupées sur cette porte monumentale. Certaines de ces sculptures les plus célèbres en sont issues comme Le Penseur, Les Trois ombres, Ugolin et ses enfants, Paolo et Francesca, etc. Rodin utilisera par la suite les figures imaginées pour la porte et en fera des œuvres autonomes en les agrandissant. Il recourt également à un nouveau procédé qu'il invente avec Les Ombres : l'assemblage.

Les épreuves en bronze, dont une est exposée dans les jardins de l'hôtel de Biron (Musée Rodin de Paris), ont été fondues après la mort de l'artiste et le plâtre est conservé au musée d'Orsay.

Le Penseur est la sculpture incontournable d’Auguste Rodin. Intitulée à l'origine Le Poète en référence à Dante qu'il représente, cette figure est destinée à orner le tympan de La Porte de l'Enfer. Allégorie de la pensée, l’œuvre représente également Rodin, le sculpteur. Le poète se penche sur les Cercles de l'Enfer et médite sur son œuvre, tout comme le sculpteur se penche sur ses nombreuses figures et médite sur son œuvre.

Le Penseur devient vite une œuvre autonome : agrandie en 1904, ses dimensions accroissent l'impression de puissance physique de l'homme qui pense.

Le Baiser est une sculpture en marbre initialement intitulée Francesca et Paolo et destinée, comme de nombreuses autres figures, à La Porte de l'Enfer. Elle est ensuite retirée de la Porte et un autre groupe est créé pour représenter Paolo et Francesca.

En 1882, date de création du Baiser, Rodin rencontre Camille Claudel qui devient sa collaboratrice, sa muse et son amante. Pour ce couple enlacé, le sculpteur s'inspire certainement du parallèle entre son amour pour Camille (interdit puisqu'il partage alors la vie de Rose Beuret, dont il a un fils né en 1866) et l'amour défendu de Paolo pour sa belle-sœur Francesca.

La première version de grande taille et en marbre a été réalisée pour l'Exposition universelle de 1889.

Adam par Auguste Rodin - 1881- Art Institute Chicago

Adam par Auguste Rodin - 1881- Art Institute Chicago

Les Trois ombres font elles aussi partie de la Porte de l'Enfer. Elles surplombent la Porte. Ce groupe est constitué d'une même forme que Rodin a multiplié 3 fois à partir de son Adam de 1881. Grâce au moulage, Rodin peut en effet multiplier un même motif en autant d’exemplaires qu’il le souhaite et en assemblant ces motifs en créer de nouveaux. Cette technique de reproduction est au cœur du processus de création de Rodin.

« Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance »

Dans L'Enfer de Dante, source d'inspiration de Rodin pour sa porte, cette inscription accueillait les damnés. Ces Trois Ombres représentent trois damnés qui se tiennent aux Portes de l'Enfer. Leur position, identique, marque l’abattement et le désespoir. 

 

 

Les Bourgeois de Calais sont un monument constitué d'un groupe de statues, commandé à Rodin en 1884 par la ville de Calais. Celle-ci souhaite célébrer le sacrifice collectif de six notables, qui offrent leur vie pour sauver celles de leurs concitoyens, au terme d'un siège de onze mois mené par l'armée du roi d'Angleterre Édouard III lors de la guerre de Cent ans (Cet épisode est raconté dans les Chroniques de France de Jean Froissart). Il s'agit d'un monument public destiné à exalter l'héroïsme.

Avec Les Bourgeois de Calais, Rodin remet en cause la fonction traditionnelle du socle dans l'art. Par la suite, les socles de Rodin seront parfois très élevés ou inexistants, souvent inachevés ou fusionnés avec le bloc sculpté.  Il ouvre la voie à des sculpteurs comme Bourdelle ou Brancusi.

Il l'écrit à Omer Dewavrin le 8 décembre 1893 :

« J'avais pensé que placé très bas le groupe devenait plus familier et faisait entrer le public mieux dans l'aspect de la misère et du sacrifice, du drame. »

Rodin souhaite en effet que ses bourgeois soient placés très bas ou alors très haut et dans un endroit dégagé pour qu'ils ressortent sur le ciel. La solution retenue par la municipalité est un socle peu élevé et entouré d'une grille, ce qui ne satisfait pas Rodin. Aujourd'hui, le musée Rodin a souhaité respecter la volonté du sculpteur en érigeant de plain-pied une copie des Bourgeois.

La Tentation de saint Antoine est inspirée de la nouvelle éponyme de Gustave Flaubert. Cette stature de marbre joue sur l’opposition de traitement des deux personnages. Le corps de la femme tentatrice est parfaitement poli, alors que Rodin laisse sur l'ermite les traces des pointes ou ciseaux apparentes, donnant un aspect rugueux à sa robe de bure.

Comme souvent chez Rodin, l’œuvre en marbre est volontairement inachevée. Cette esthétique du "non finito" est représentatif du style de Rodin et marque son admiration pour Michel-Ange. Le terme apparait d'ailleurs dès la Renaissance avec Giorgio Vasari qui l'emploie pour décrire les sculptures inachevées de Miche-Ange.

Rodin a sculpté de nombreux écrivains, un moyen pour lui d'exprimer son admiration à leur égard. Le portrait sculpté de Balzac en est un des plus célèbres, l’œuvre d'une vie pour Rodin. Il s'agit d'un portrait moral plus que physique de l'écrivain, représentant avant tout sa force créatrice.

C'est sur proposition de Zola que Rodin reçoit la commande de Balzac par la Société des gens de lettres. Rodin se lance dans de nombreuses études (une trentaine) qui lui feront perdre beaucoup de temps. L’œuvre devait être terminée et livrée le 1er mai 1893. Zola, à la tête de la Société des gens de lettres, obtient pour Rodin deux ans supplémentaires. Malgré cela, le Comité des gens de lettres refuse l’œuvre au Salon de 1898, choqué par l'aspect inachevé du travail, qui est comparé à « une masse informe».

L'œuvre choque, elle est critiquée, malmenée car trop novatrice. Rodin renonce à installer le monument à Paris et le place à Meudon où il vit avec Rose Beuret depuis 1893 et où il installe en 1895 son atelier avec ses assistants, ouvriers et praticiens.

C'est seulement en juillet 1939 que le bronze de Rodin est érigé à Paris au carrefour des boulevards Raspail et du Montparnasse.

Une première version plus petite et en plâtre a été réalisée vers la fin des années 1890. Elle est constituée de plusieurs fragments issus du Saint Jean Baptiste (1880) : un torse et deux jambes. Cet état fragmentaire marque l'influence que la statuaire gréco-romaine a sur le travail et la réflexion du sculpteur.

En 1906, Rodin fait agrandir cette figure incomplète et en tire un bronze. Elle prend alors une place importante dans son œuvre et influencera de nombreux sculpteurs tels Giacometti.