L'art et le sacré. L'exemple du mouvement nabi.

Le programme d'enseignement de spécialité d'histoire des arts en terminale institue trois questions limitatives, qui s'inscrivent dans les trois thématiques suivantes :

  • un artiste et son temps,
  • arts, ville, politique et société,
  • objets et enjeux de l'histoire des arts.

A compter de la rentrée scolaire 2020, la question retenue pour la troisième thématique est "l'art et le sacré". Ainsi selon le Bulletin officiel de l’Éducation nationale, l'étude des rapports entre l'art et le sacré, dans le cadre de l'enseignement de l'histoire des arts, englobe non seulement l'art sacré, mais encore tout ce par quoi l'art exprime "le sacré [...] comme une catégorie de la sensibilité" (Roger Caillois)

Le mouvement Nabi est un mouvement postimpressionnisme qui naît à la fin du XIXe siècle. Ce sont d'abord de jeunes peintres symbolistes qui s'intéressent à la spiritualité. Ils se considèrent comme les disciples de Gauguin qu'ils voient comme un messie. Le groupe se forme autour de Paul Sérusier qui rassemble des amis proches tels Maurice Denis, Pierre Bonnard, Édouard Vuillard, ou encore Paul-Élie Ranson. Le groupe s'élargit ensuite à d'autres comme Ker-Xavier Roussel ou Aristide Maillol. Ils se baptisent Nabis, qui signifie "prophète" en hébreu, ou encore "inspiré de Dieu", "appelé par l'esprit". Ils prennent l'habitude de se retrouver régulièrement lors de dîners qu'ils transforment rapidement en simulacres de cérémonies religieuses.

Ces termes issus du champ lexical religieux affirment une des orientations fortes proposées par les Nabis : celle de Maurice Denis, profondément sacrée, qui manifeste sa volonté de renouveler l’art religieux.

En 1888, Paul Sérusier revient d'un séjour en Bretagne où il a côtoyé Paul Gauguin avec une petite toile qui prend le nom de Talisman. Ce tableau est le fruit de la leçon de Gauguin, qui a conseillé au jeune Sérusier de peindre ce qu’il ressentait et non ce qu’il voyait. Très rapidement, Le Talisman (1888, musée d’Orsay) est élevé au rang d'icône, icône de l'histoire de la peinture, et devient le manifeste de l’esthétique que les Nabis entendent développer.

Rapidement, les Nabis s'intéressent au motif du paysage boisé. L'influence des estampes japonaises est particulièrement sensible dans leurs toiles. Leurs travaux ont cependant un sens plus mystique : après Puvis de Chavannes, précurseur du symbolisme, dont Le Bois sacré, cher aux arts et aux muses est un succès au Salon de 1884, les forêts des Nabis évoquent la dimension sacrée de la nature, dont les arbres forment des piliers d'une cathédrale naturelle.

Les arbres verts ou les Hêtres de Kerduel par Maurice Denis - 1893
Crédit : Photo (C) RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

 

La composition du Paysage aux arbres verts de Maurice Denis en trois plans successifs invite à rejoindre un univers de plus en plus mystique. La forêt devient le théâtre d’une quête spirituelle. Le bas muret en arrière-plan, coupe la composition horizontalement et symbolise la rencontre entre le monde sensible et l’univers surnaturel.

Maurice Denis, mais également Paul Sérusier avec ses Arbres rouges et fougères en automne ou encore Émile Bernard avec Madeleine au Bois d'Amour, proposent une vision spirituelle du sous-bois.

L’arbre dans l’histoire de l’art européen est d'ailleurs souvent associé aux références bibliques, il est également très présent dans les sociétés préchrétiennes. Dans la tradition celtique, l’arbre sacré est le lien entre les trois mondes : terrestre, céleste et souterrain.

La troisième partie du dossier pédagogique du Musée de Pont-Aven permet d'approfondir ce thème de l'arbre source d'inspiration des Nabis et symbole de sacré.