Qui était Andy Warhol ? À travers 10 œuvres emblématiques, retraçons les différentes périodes de la vie artistique d'Andy Warhol, le maître du Pop Art.
Campbell's Soup Cans ou 32 boîtes de soupes Campbell (1962)
En juillet 1962, Andy Warhol expose 32 peintures de boîtes de soupes Campbell à la galerie Ferus de New York et fait ainsi entrer pour la première fois des produits de consommation dans une galerie d'art.
Les 32 boîtes représentent les 32 variétés disponibles dans la gamme des soupes Campbell et ces tableaux sont présentés sur des moulures blanches horizontales qui jouent le même rôle que des étagères dans un magasin.
"Quand on y songe, les grands magasins sont un peu comme des musées."
Warhol trouve son inspiration dans son quotidien, il dira à propos des soupes Campbell :
"J'en mangeais. J'ai fais tous les jours le même repas de midi pendant vingt ans, je crois, la même chose encore et encore."
Ces Campbell soupes sont également les premières sérigraphies de Warhol. Cette exposition fait scandale : 32 boîtes presque identiques, réalisées grâce à un procédé sérigraphique, semi-mécanique, qui ne demande pas l'intervention directe de la main, est-ce réellement de l'art ? Un travail figuratif, sans affect, qui semble s'opposer en tout à l'expressionnisme abstrait, premier grand mouvement artistique des États-Unis, qui a connu son apogée à la décennie précédente, peut-on considérer cela comme de l'art ?
C'est pourtant avec cette exposition, en 1962, que la carrière d'Andy Warhol décolle et qu'il devient une des figures majeures du Pop Art, qu'il définit ainsi :
"[...] je ne saurais pas vous dire ce que c'est que le pop'art, c'est trop compliqué. Ça consiste à prendre ce qui est dehors et à le mettre dedans, ou à prendre le dedans et à le mettre dehors, à introduire les objets ordinaires chez les gens. Le pop'art est pour tout le monde. Je crois que l'art ne devrait pas être réservé à quelques privilégiés, je crois qu'il doit s'adresser à la masse des Américains, et d'ailleurs ils sont généralement ouverts à l'art. Je pense que le pop'art est une forme d'art aussi légitime que les autres, l'impressionnisme, etc. Ce n'est pas de la frime."
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Voulez-vous un dessin ? 2 minutes pour tout savoir de l'art moderne et contemporain par le Centre Pompidou."Populaire, éphémère, bon marché, fabriqué en série, jeune, spirituel, érotique, fantaisiste, glamour, lucratif" l'esprit pop traverse les années 1960, de l'Angleterre jusqu'aux États-Unis. D'Andy Warhol à Roy Lichtenstein, le pop art emprunte ses matériaux à la culture de masse et questionne le pouvoir des images.(sous-titres en anglais et français)
https://www.youtube.com/watch?v=-ImJ0B-6aHo&list=PL5RSjCvtcKQjCPTF08InvZnYkE1hyj_t9&index=4
Centre Pompidou
Diptyque Marilyn (1962)
Ce diptyque (Diptyque Marilyn) fait partie des nombreux portraits qu'Andy Warhol consacre à Marilyn Monroe. Il représente trois sujets qui vont obséder Warhol durant des années : le glamour, la mort et la répétition.
1962 : Marilyn vient de mourir. A partir d'une photographie publiée dans la presse à l'occasion du film Niagara (1953), Warhol réalise ces deux séries de 25 portraits. L'une en couleur qui met en avant la star hollywoodienne, l'icône de la culture populaire, le sex-symbol qui subjugue toute l’Amérique. L'autre en noir et blanc évoque le côté plus sombre de l'actrice, dont les traits finissent par d'effacer.
"Je n'ai pas l'impression de représenter les grands sex-symbols de notre temps dans certains de mes tableaux, comme les portraits de Marilyn ou de Liz Taylor. Je considère Marilyn comme une personne, sans plus. Quant à savoir si c'est symbolique de peindre Marilyn dans des couleurs aussi intenses : c'est la beauté, elle est très belle, et s'il y a quelque chose de beau, c'est bien les jolies couleurs. C'est tout. Ou quelque chose. L'image de Marilyn faisait partie d'une série des morts que je faisais, de gens qui étaient morts de différentes manières. Il n'existait aucune raison profonde de faire cette série des morts, rien à voir avec des victimes de leur époque. Je n’avais aucune raison de faire tout ça, rien qu'une raison de surface."
A l'origine, ces deux séries n'étaient pas réunies en diptyque, ce sont les acheteurs qui ont eu l'idée des les rassembler, accentuant le contraste entre la couleur et le noir et blanc, la gloire et le mal-être de la star.
Ce diptyque est réalisé en sérigraphie, technique d'impression, manuelle ou automatique, utilisant un écran de soie comme pochoir. Grâce à cette technique, Warhol peut reproduire un motif à l'infini et à l'identique ou presque. Cela devient sa technique de prédilection.
"J'ai essayé de les faire à la main, mais je trouve que c'est plus facile avec l'écran de sérigraphie. Comme ça, je n'ai pas du tout besoin de travailler sur les objets que je fais. Un de mes assistants, ou n'importe qui d'autre, peut reproduire le motif aussi bien que moi. "
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Comment produire une œuvre dans une société de consommation inondée d’images ?
https://panoramadelart.com/analyse/diptyque-marilyn
Ten Lizes (1963)
Avec Ten Lizes, Andy Warhol confirme sa fascination pour la célébrité.
"La notoriété, c'est comme les cacahuètes : quand on commence, on peut plus s’arrêter."
Grâce au format qui peut évoquer une pellicule, Warhol donne ici à sa toile l'apparence d'un écran cinématographique : il utilise une bombe de peinture argentée pour le fond, sur lequel il applique la technique de la sérigraphie dont il a désormais l'habitude. L'image de Liz Taylor est multipliée dix fois, et semble identique. Cependant, sur chaque image, des taches, des ombres, des bavures font légèrement varier le portrait et rappellent les défauts d'impression des journaux populaires de l'époque.
[à propos des peintures de Liz Taylor ]
"Je les ai commencées il y a très longtemps quand elle était malade et que tout le monde disait qu'elle allait mourir. Maintenant je les refais toutes, en lui mettant des couleurs vives sur les lèvres et sur les yeux".
Andy Warhol fait ici référence au tournage de Cléopâtre de Joseph Mankiewicz, l'un des films les plus chers d’Hollywood : Liz Taylor, dans le rôle de Cléopâtre, tombe gravement malade et doit s'absenter pendant six mois du tournage.
Comme Marilyn, Liz Taylor est traitée comme un produit de consommation, comme une soupe Campbell, ou une bouteille de Coca Cola. Par ces séries, Warhol met en lumière un monde dominé par les images et les produits et dénonce la société de consommation.
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Ce dossier du Centre Pompidou sur le Pop Art s’inscrit dans une série: "Un mouvement, une période", dont l'objectif pédagogique est de faciliter l’approche et la compréhension de la création du 20e siècle. Le dossier est également disponible en anglais. (d'après http://www.centrepompidou.fr/)
http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-Pop_art/ENS-pop_art.htm
Colored Mona Lisa (1963)
Mona Lisa est une source d'inspiration pour les artistes... ce n'est pas nouveau ! De nombreuses fois copiée, elle a été détournée par Marcel Duchamp en 1919 (L.H.O.O.Q.), par Fernand Léger en 1930 (La Joconde aux clés), par Dali en 1954 avec son Autoportrait en Mona Lisa, etc. Mona Lisa n'est pas seulement copiée, elle est devenue une icône, une star, au même titre que Marilyn Monroe ou Liz Taylor. Il est donc tout naturel pour Warhol qui est obsédé par les célébrités de s'attaquer à la Joconde.
En décembre 1962, le ministre de la Culture André Malraux envoie La Joconde aux USA, via le paquebot France dans des conditions dignes de celles réservées d'ordinaire aux chefs d’État. Elle est d'abord exposée à la National Gallery of Washington puis au MET de New York.
C'est à cette occasion qu'Andy Warhol achète la carte postale à partir de laquelle il réalisera ses sérigraphies de La Joconde : l’œuvre la plus célèbre du monde est reproduite, recadrée, agrandie, colorisée, mise à l'envers, désacralisée, sans pour autant perdre son statut de star !
Flowers (1964)
Avec la série des fleurs (Flowers), qui commence dès 1964 avec une présentation inédite à la galerie Leo Castelli de New York et se poursuit jusqu'en 1970, Warhol s'intéresse à la nature, sujet apparemment très éloigné de la célébrité, de la mort ou de la société de consommation.
Cependant, Warhol utilise toujours le même procédé sérigraphique : les fleurs sont recadrées, simplifiées, multipliées et présentées alignées. D'un format carré, elles peuvent être présentées de manière différentes. La comparaison à du papier peint est inévitable !
Pour ce motif Andy Warhol part d'une photographie de fleurs d'hibiscus, prise par Patricia Caulfield et issue du magazine Modern Photography. Patricia Caufield porte plainte pour non respect de ses droits d'auteurs, Warhol tente de lui offrir des tirages de cette série en compensation, sans succès ! Ils finiront par régler l'affaire à l'amiable !
Big Electric chair (1967)
Le motif de la chaise électrique apparaît dans l’œuvre d'Andy Warhol dès les années 1963. Il reprend une photographie de presse de la chambre d’exécution et reproduit ce motif en négatif ou en positif jusque dans les années 70. Il en réalise des variations colorées, simplifiée : la chaise électrique en devient presque un objet banal et "tolérable".
L'intérêt de Warhol pour le motif de la chaise électrique est intimement lié à la controverse autour de la peine de mort qui est particulièrement débattue dans la société et les médias américains au début des années 1960.
Warhol éprouvait une véritable peur de la mort (Andy Warhol perd son père alors qu'il n'est âgé que de 14 ans), mais aussi une certaine fascination : il représente Marilyn alors qu'elle vient de mourir, Liz Taylor qui frôle la mort, Jackie Kennedy, endeuillée quelques semaines après la mort de son mari, des séries sur la mort et les catastrophes (Death and disasters) : accidents de voitures, suicides, accidents d'avions (129 dies in jet !), Bombe atomique, crânes, Tunafish disaster, chaises électriques, etc.
[à propos de la série des morts, et de son origine]
"Il me semble que c'était le grand tableau de l'accident d'avion, la une d'un journal : 129 DIE. Je peignais aussi les Marilyn. Je me suis aperçu que tout ce que je faisais devait tourner autour de la mort. C'était la Noël ou le premier lundi de septembre, un jour férié, et chaque fois qu'on allumait la radio on entendait quelque chose du genre " Quatre millions de personne vont mourir". C'est là que tout a commencé. Mais quand on voit et revoit plusieurs fois la même image atroce, elle ne fait plus aucun effet en réalité".
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Dans Electric Chairs, une photographie de presse de chaise électrique est reprise par Andy Warhol, agrandie et reproduite dix fois sur différents fonds picturaux.
https://www.fracgrandlarge-hdf.fr/app/uploads/2020/12/WARHOL-Andy-FRAC.pdf
Velvet Underground & Nico (1967)
Fasciné par les icônes du cinéma, Warhol l'est aussi par les stars du rock. Il immortalise Elvis Presley, Mike Jagger, Michael Jackson, Grace Jones, etc.
Il dessine aussi une cinquantaine de pochettes de disques. Sa production et ses goûts sont éclectiques : du jazz au classique, en passant par la soul et rock. Sa pochette la plus célèbre est très certainement celle qu'il réalise pour The Velvet Underground (The Velvet Underground and Nico) dont il devient le manager.
Le groupe est en effet très lié à la Factory d'Andy Warhol, atelier situé à New York qu'il ouvre en 1964 : atelier, mais aussi galerie d'exposition, studio de tournage, salle de projection, boîte de nuit ; lieu de création, de réflexion, de fête et d'excès... On y crée de l'art bien sûr, mais ce lieu underground où l'on croise toutes les stars du moment est aussi un lieu où se crée la célébrité !
"A l'avenir, chacun aura son quart d'heure de célébrité mondiale"
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L’Américain Andy Warhol est considéré comme l’un des plus grands maîtres du Pop Art. Ce courant artistique occidental essentiellement plastique et photographique déconstruit, voire parodie, des images issues de la “culture de masse”. S’il ne chante ni ne joue, l’artiste a, pratiquement tout au long de sa carrière, collaboré avec des musiciens.
https://www.melo-app.com/notice/andy-warhol
Mao (1972)
Réalisés en 1972 et 1973, cette série de portraits de Mao Tse-Toung correspond à un retour de Warhol à la peinture après un passage par le cinéma et la production musicale. Il s’agit de près de 200 peintures de Mao réalisées en cinq formats différents.
En 1972, Richard Nixon, alors président des États-Unis se rend en Chine et rencontre Mao Tse-Toung, fondateur et principal dirigeant de la république populaire de Chine. C'est cette rencontre qui inspire Warhol.
Pour réaliser ces séries, il utilise le portrait de Mao Tse-Toung, qui orne la deuxième page de garde du petit livre rouge, livre de propagande communiste distribué par le gouvernement de la république populaire de Chine à tous les citoyens et traduit en plus de soixante langues. Les représentations de Mao sont présentes partout en Chine.
Warhol en fait une œuvre imposante. Des couleurs vives recouvrent le visage de Mao, comme du maquillage, présentant ainsi le dirigeant communiste comme un produit de consommation. Ce parallèle entre propagande politique et publicité capitaliste permet à Warhol d'aborder le culte de la personnalité qui entoure Mao Tse-Toung et de faire de ces séries une critique de la propagande totalitaire.
En 2017, un des portraits sérigraphiés de Mao Zedong de 1973 est vendu aux enchères au prix de 12,7 millions de dollars (1,9 millions d'euros).
Portrait de Jean-Michel Basquiat en David (1984)
La première rencontre d'Andy Warhol et de Jean-Michel Basquiat a lieu en 1982, grâce à Bruno Bischofberger, leur marchand commun, qui suscite alors la collaboration entre les deux hommes ancrée sur une admiration réciproque.
Entre 1983 et 1985, ils composent de nombreuses toiles à quatre mains, un peu dans l'esprit des cadavres exquis surréalistes : Warhol peint d'abord un fond, une écriture, un logo puis Basquiat peint, et parfois Warhol y revient à nouveau.
"Andy commençait la plupart des peintures. Il mettait quelque chose de très reconnaissable, le logo d'une marque, d'une certaine façon je le défigurais. Ensuite, j'essayais de le faire revenir. Je voulais qu'il peigne encore." Jean-Michel Basquiat
Avec Basquiat, Andy Warhol se remet au dessin et à peindre à la main.
En 1984, Warhol peint Basquiat en David. C'est la période où Basquiat et Warhol s'amusent à se représenter l'un l'autre, témoignant ainsi de leurs échanges, de leur amitié et de leur fascination l'un pour l'autre.
Il y a une double référence dans ce Basquiat en David :
- Une référence à Michel-Ange bien sûr, car, comme le titre l'indique, Basquiat reprend la pose du David de Michel-Ange et son célèbre contrapposto (une jambe porte le poids du corps et l'autre est légèrement fléchie).
- Une référence à une de ses sérigraphies de 1963 : Double Elvis. Il représente Basquiat "comme un King" et l'élève ainsi au rang d'icône pop.
Avec cette œuvre qui reprend le modèle de l'idéal masculin à la Renaissance italienne, Warhol montre l'admiration qu'il porte à Basquiat tant pour son physique que pour son génie.
Self-portrait (1986)
Il s'agit ici de sa dernière série d'autoportraits, quelques mois avant sa mort le 22 février 1987. Il utilise une photographie polaroid de lui, dont il modifie le cadrage et les couleurs. Le fond est noir, il porte un col roulé noir, une perruque aux cheveux ébouriffés et son visage flotte ainsi dans l'espace de la toile, tel un spectre surgissant dans le noir. Cette série est souvent surnommée "Fright Wig", en français "perruque panique".
Dès 1963, apparaissent les premiers autoportraits d'Andy Warhol. Les nombreuses séries d'autoportraits montrent combien l'artiste était obsédé non seulement par la célébrité, mais aussi par la possibilité de sa mort.
"Je peins des images de moi-même pour me rappeler que je suis toujours là."
L'autoportrait est en quelque sorte la consécration de sa propre notoriété et son traitement stylistique est identique à toutes les célébrités qu'il peint. Sa gloire dépasse largement le quart d'heure de célébrité qu'il promettait à chacun.
"La notoriété, c'est comme de manger des cacahuètes : quand on commence, on ne peut plus s'arrêter."